lundi 27 janvier 2014

Fanch Vidament peintre paysan.

                                                 Fanch Vidament (1948-1982).
     
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Fanch Vidament peintre paysan,précise-t-on pour présenter cet artiste que la Bretagne peut se prévaloir de compter au titre de ses chantres,ses représentants les plus emblématiques et les plus émouvants.Le qualificatif de douanier est systématiquement accolé à celui dHenri Rousseau sans que lhomme en question ait jamais vraiment exercé ce métier.La légende quand elle vous colle au dos ne vous lâche plus.Son installation bien réelle avec son épouse et deux autres couples comme gérant dune ferme à Pont Kadik près de Callac(mon canton dorigine) sinscrit,même si sa démarche,toute personnelle, tient du refus obstiné de contraintes pouvant nuire à son destin dartiste,dans un vaste mouvement post soixantuitard dinspiration communautariste de retour à la société naturelle.Je les ai vus ces jeunes idéalistes,barbus et chevelus,retour de Katmandou peut-être,en combi Wolswagen,du shit pleins les poches, devant leurs étals de sabots de bois,de bracelets en cuir ,de colliers ou leurs fromages de chèvres.Tel avait stoppé net ses études de droit ou de politique tandis que sa compagne gardait un demi-salaire de fonctionnaire pour assurer la subsistance du clan car enfin une autorité savérait nécessaire pour garantir lunité et la pérennité du groupe.En son absence chacun partait de son côté.La plupart de ces expériences ne tiendront pas longtemps.Linterdit dinterdire qui prévalait alors a ses limites.Cest quil faut être de la trempe des paysans de lArgoat pour perdurer et faire souche dans ces contrées au climat rude,aux terres pauvres,dune volonté et dune moralité à toute épreuve.
Fanch est de ceux-là,entier,tout de foi et de passion,dans son travail quotidien,comme dans son art.Breton de Paimpol,élevé parmi les marins,mais plutôt destiné par des parents conventionnels aux études,il se découvre au lycée technique de Freyssinet à StBrieuc des aptitudes au dessin et comme par une révélation irréfragable,décide,contre lavis des siens,de concilier et le travail de la terre et la peinture.Il sera peintre paysan.Le jeune homme est amoureux,fougueux,pressé,comme par bravade à lendroit de cette maladie cardiaque dont il se sait atteint et qui lemportera dans la force de lâge.Toute son oeuvre se décline sous le double signe de lurgence et du frémissement jubilatoire et cest bien cela qui lui confère une singularité et lui forge un style personnel.































Paysages saisis au gré des saisons.Récurrence des pentys,de quelques arbres stylisés,un chemin montueux, quelques présences discrètes parfois.Tout est dans la nuance et la suggestion.

Un tableau de Fanch parut dans le magazine Naous en 1982.La revue était dirigée et rédigée en grande partie par Edmond Rébillé .(En noir et blanc).Gwen ha du en quelque sorte.


« Désormais,le peintre paysan,retrace à travers ses grandes toiles,la vie de tous les jours.Les gens qui l’entourent,les paysages qu’il sillonne de long en large,les travailleurs de la terre,ou bien encore les saisons sont sublimés avec une tendresse particulière » Olivier Levasseur.
« Bezan e man  barz e vleud » dit un adage breton pour signifier le bonheur de l’être dans son élément naturel.Fanch est dans sa farine.Sa production témoigne de l’effervescence intérieure de celui qui réalise  au travers de ses toiles successives la symbiose de la réalité et de l’âme des êtres et des lieux, les vicissitudes de la vie paysanne.Rien ici qui ne pèse,gestes et instantanés de la vie quotidienne sublimés par le talent,en osmose avec l’esprit enchanteur de ces contrées du Kreiz Breiz dont rien ne semble avoir entamé la virginité depuis la nuit des temps. « Le bocage subsiste,découpé par des talus boisés qui délimitent landes romantiques,vertes pâtures peuplées de vaches grasses,labours où les mouettes explorent chaque sillon nouveau.Ca et là le soleil joue sur les toits de pentys souvent abandonnés.Un clocher effilé surgit des feuillages.Partout règne un silence entrecoupé de chants d’oiseaux,de stridences d’insectes,de frémissements d’herbes.Sérénité de la création du monde.Joie pure ».Ce morceau de lyrisme est le fait d’un très grand connaisseur de la Bretagne intérieure et particulièrement de la région de Callac où il fut longtemps médecin :Edmond Rébillé.




Où va ce couple décidé?Aux travaux des champs ou à la pêche aux coques?.


La rage créatrice du peintre tient du coup de balai dans les toiles d’araignées du pittoresque compassé des amateurs de scènes rurales,de l’académisme celtisant des « notables » selon l’expression de Xavier Grall à propos du fatalisme d’un Per Jakez Hélias.C’est l’époque de l’explosion poétique,bardique,culturelle de la Bretagne : « Je les vois mes compagnons.Je les entends dans la nuit.Je les vois dans la pauvreté de leur condition et le luxe de leur parole…Et ce sont de grands soleils délivrés ».In:"Le Cheval Couché".Les années 70,début des « trente glorieuses » dit-on furent pour nous la fantastique libération d’un cri trop longtemps retenu,une puissance de souffle à faire trembler les cimaises.Un cri et une parole qui n’a pas encore vraiment trouvé dans cet incroyable hexagone sa traduction politique.L’assentiment des peuples du monde nous est acquis.Les masques tomberont comme des fruits blets. « Notre matin sera vierge au bout de la route des malheurs et des avanies.Illuminés »..X.Grall.




Les retrouvailles du bonheur simple du couple,des danses traditionnelles des Festou Noz retrouvées,des sabots de bois requalifiés,les nouvelles générations comme autant de promesses.


Pourquoi ai-je pensé au célèbre tableau d'Eugène Delacroix à propos de cette femme en violet ?.Presque deux siècles les séparent.Cette jeune femme du peuple devenue l’icône de la révolution de 1830 est l’image même de l’enthousiasme  libérateur devenue universelle : « la liberté guidant le peuple ».Une injonction supérieure à passer coûte que coûte.Une force vitale d’égale intensité,romantique pour  l’un,expressionniste pour l’autre,à moins que ce ne soit "essentialiste"pour reprendre la terminologie de son ami peintre Alain le Nost et l’utilisation du violet à contre emploi,mais d’une rare efficacité.Une flamme dans la nuit.



                      
           

Un homme et une œuvre des plus attachants.Quelques 300 huiles sur toiles de grand format,malgré la brièveté de son existence,mais aussi des dessins au fusain.Une trentaine d’expositions en Bretagne.Il meurt le 11 Novembre 1982 le jour de l’Armistice.Un signe peut-être quand on sait l’hécatombe que la guerre de 14-18 aura été pour le peuple breton et particulièrement le monde paysan.
               Va zouar n’eo ked ar bed man.                                  
                O va zud ker va henvro  koz                                        
                Sterennou breiz e zo luhan                                       
                Evel eun tann gwall e kreiz an noz.                       
           
                              Ma terre n'est pas de ce monde
                              O mon peuple et ma patrie bien aimés
                              Les étoiles de Bretagne brillent
                              Comme un incendie au milieu de la nuit.
                       (In:Les Chants Malicantour. 1985).  J.T.
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Glanes autour de Fanch et de son oeuvre.
         -Sa femme Marie-Thé.
              "Il se jetait sur la toile,la maison en tremblait".
              "Il échangeait un tableau contre une charretée de paille.Il était très généreux.
          -Sa voisine Yvette.
               ''Un homme attachant et joueur,qui ne tenait pas en place.Il quittait son travail en plein champ ou la  traite des chèvres pour répondre à un désir impérieux.Il peignait vite,d'un seul trait puis reprenait son travail.                  "Il nous faisait peur avec son tracteur sur ces terrains escarpés.Un vrai casse-cou"...
          - Maëlle Looaëc.
                "Ce fut pour moi une découverte,une révélation:miroir d'un monde si proche de moi,de mon  de mon enfance dans cette Bretagne profonde et sauvage''...                    
          - Anonymes.
                 " ll faudra aussi nous indiquer qui sont les Picasso,les Rembrandt,les Michel-Ange bretons"...
                 " Fanch Vidament est notre Nicolas de Staël breton" etc...                                             
              
                                            
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mardi 7 janvier 2014

Qui a peur de Jean Tirilly?.

Certes,le peintre breton Jean Tirilly(1946-2009), natif de Léchiagat petit port breton de l'extrême pointe du Finistère n'a nul besoin d'une publicité supplémentaire pour une célébrité posthume.Célèbre et célébré il l'est depuis longtemps et sa gloire irait plutôt croissant.Qui veut découvrir ce peintre et artiste étonnant n'a que l'embarras du choix:Exposition permanente au musée spontané de Bruxelles,mais aussi le musée de Lausanne ou Pont Aven.Un livre intitulé"Jean Tirilly poète des couleurs",sous la signature de Maryvonne Gognalons Nicolet lui est également consacré.De nombreuses expositions lui ont permis de se faire connaître et de s'exprimer sur son art,car nous dit-on,ce grand timide savait se montrer bavard,à l'occasion.


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Taleouennou(crânes).









                Quelques toiles pour se familiariser avec l'art très spécial de Jean Tirilly.Il expliquait dans une interwiew:"En cinq minutes,le fond est fait.Quand je trouve ma couleur de fond,je sculpte,mais les personnages viennent comme cela...Tout ça c'est une transe.On n'est pas en train de réflléchir.C'est les yeux grands ouverts que je me dis:tiens si je mettais ça...Il y a le recul,toujours en marmonnant.Et la construction arrive.Les toiles  s'enchaînent les unes après les autres."
Ses propos sont évidemment les plus importants de tous ceux qui gravitent autour de son oeuvre,souvent plus dithyrambiques que nécessairement pertinents."Comme les gosses un peu fous,mes tableaux me dépassent,explique-t-il.C'est un film en cours de montage,je m'arrête sur un plan séquence.Un plan à travailler d'urgence,sinon l'inspiration disparaît.On n'est pas dans le normal mais dans l'acte de peindre".Et de codex en codex un monde se révèle qui bouleverse ,irrite,séduit ou révulse,mais en tous cas ne laisse jamais indifférent.Car ici chacun comprend que par-delà l'étrangeté,la monstruosité,au-delà du premier impact il est question d'âme et d'amour,cet art étonnant nous oblige et nous conduit à nous-mêmes.            







Quelques propos sur Jean Tirilly.
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"Comment décrire ces mêlées humaines,ce grouillement de vie,ce match frénétique et bariolé...Avec ces visages,masques aux orbites creuses,la bouche toujours ouverte comme citrouilles crevées,ces vieilles serrures détraquées,le jeu savant des entrelacs colorés,stylisations de bras et de jambes sans corps et les échappées vers le ciel ou la mer ou des morceaux de décors champêtres,bouts de paysages,villages traités au minimum,comme dans les fonds des primitifs Italiens.Un monde d'agonisants joyeux,de morts-vivants en effervescence de zombies en goguette plus proche de la « ballade des pendus » ou d'une vision festive du Jugement dernier que de la frivolité profane de la « comédia  del arte »..La couleur,très savamment maîtrisée est trompeuse dans l'univers de Tirilly,où rôde la faucheuse,l'Ankou des enclos paroissiaux,avec un coloriage de bande dessinée...Théâtre de pantins où se joue la vie et la mort dans un stade en furie...
Un art très mental,condensé de vie,où dans une écriture symbolique d'une grande cohérence,ce Villon de la peinture,grand poète d'une époque de mutation nous offre avec un minimum d'accessoires de belles fables non-verbales sur les pérépéties actuelles de la condition humaine"...

Laurent Danchin.









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                Visiter une exposition de Jean Tirilly ou simplement faire connaissance avec quelques unes de ses productions n'est jamais un acte anodin.L'artiste à la façon de l'araignée vous attire dans sa toile et ne vous lâche plus.On n'en sort pas indemne.Ce signe à lui seul prouve l'authenticité et l'importance de sa création et de son engagement d'homme dans l'art qu'il s'est choisi à moins que ce ne soit l'inverse.







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Grand,Jean Tirilly l'est quand,mû par la nécessité intérieure,il fait ressurgir des limbes l'âme et l'esprit d'un peuple,le sien, le mien,le peuple breton par le truchement de quelques détails symboliques du temps de son enfance,nettement reconnaissables et situés.C'est de résurrection générale qu'il s'agit et de son lot d'humiliations,de frustrations ,de rictus grinçants,de récréminations d'un peuple déssaisi de sa liberté et de son histoire.L'acte de peindre se meut en affirmation d'identité.Le démiurge convoque la mémoire et génère un pays innocenté et requalifié,ses visions d'outre-tombe transposées dans l'avenir.



Autres mots de l'artiste à propos de son oeuvre:
"Je ne peins pas pour m'amuser mais par nécéssité.
Les étiquettes ne me gênent pas mais au départ il me semble que j'allais vers l'expressionnisme,le baroque ou quelque chose comme çà.
Moi je suis de la génération des lapsus.
Il faut bien mettre la haine quelque part".



Son œuvre,sa « saga » comme il le disait relève aussi de la fable.Elle s'est écrite au fil de ses empoignades avec la matière picturale,les éruptions telluriques irrépressibles,il aura théâtralisé une vie intérieure d'une grande richesse,fort d'un talent de coloriste indéniable et au prix d'une constance remarquable à l'endroit de son métier d'artiste.J'y lirais l'auto-analyse d'un hypersensible marqué,stigmatisé par des kirielles de traumastismes depuis l'enfance,des tabous religieux,moraux,sexuels,des aliénations écrasantes.Une thérapie donc,ses évolutions,ses seuils,ses rémissions,sa guérison et son pouvoir d'exorcisme collectif à quoi l'on reconnaît le génie ,je pense.« Eur mar'ch zod »: disait son père à son propos. « Le cheval fou a déversé sa charretée »devait-il dire plus tard pour faire comprendre par une image son engagement irrésistible en peinture.D'autres évoqueraient probablement le retour du refoulé ou les maléfices de Belzébuth.Qu'importe après tout puisque c'est l'Art qui y gagne et que s'avère une grande création.
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Une exposition imaginaire.


Rendre hommage à JeanTirilly consisterait ,par exemple,à réunir dans une grande fresque murale tous ses codex dans l'ordre chronologique,à l'image de ces danses macabres moyenâgeuses telles qu'on peut en voir à Plouha,Kernascléden ou Chatelaudren avec un accompagnement musical de préférence bretonne,la voix a cappella d'un JFKemener ou d'une A.Auffret tombant des voûtes.Mais je dois péché par excès de chauvinisme probablement.Et puis JeanTirilly a désormais une notoriété internationale et beaucoup de personnes compétentes s'occupent de son oeuvre.
Le déballage commercial d'Halloween aura supplanté la fête celtique de Samain,celle des retrouvailles annuelles des vivants et des morts.L'initiation à la mort n'est pas mauvaise en soi.Celle des gosses de notre génération se faisait autrement et...coûtait moins cher !...


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