dimanche 8 décembre 2013
vendredi 6 décembre 2013
lundi 2 décembre 2013
Le destin des trois frères le Goff.Forme et matière.
FORME et
MATIERE.
--------------
Il se peut.(1979).
Il
se peut qu'au sortir de la dure matière
Ni
le port ni l'altier n'assurent de la vie.
Il
se peut qu'ennoblir la forme élémentaire
Ne
soit pour rien tenu en gage de l'esprit
Il
se peut que l'effort retourne sur son aire
Et
que
l'envol
ne
soit
qu'éphémère
tenue
Il
se peut qu'au sortir du malheur de la terre
Forme
d'homme
ne
soit
notre
image
attendue.
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( Un clic sur les photos pour agrandir).
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( Un clic sur les photos pour agrandir).
Au
moment de mettre au clair quelques uns de mes textes poétiques,je
retrouve ce poème directement inspiré de la sculpture de Paul le
Goff située dans le parc des Promenades près du Palais de justice
de StBrieuc.En ancien briochin,elle me semble si familière que je
finirais,comme beaucoup de mes compatriotes,par croire à un élément
du paysage,une donnée de la nature.Il n’en est rien.
Elle
me fascine parfois et me tourmente encore comme au plus beau temps de
mon adolescence quand je me perdais en conjectures sur mon avenir
d’artiste.
Contenu du cartouche de la sculpture.
Contenu du cartouche de la sculpture.
Je
me renseigne :
"Menuisier
chez
son
père,le
statuaire
Elie
le
Goff,Paul
le
Goff
prépare
le
concours
d'entrée
aux
Beaux-Arts
de
Paris,où
il
obtient
la
quatrième
place...Grand
prix
Roux
en
1912,concours
de
l'Institut
avec
la"synthèse
de
l'hiver"...participe
au
Grand
prix
de
Rome
en
1913.Présenté
au
concours
Chenanard,consécration
de
fin
d'études
la"Forme
se
dégageant
de
la
matière"obtient
la
deuxième
médaille
au
salon.La
sculpture
est
achetée
pour
le
jardin
du
Luxembourg
à
Paris,puis
donnée
par
l'Etat
à
la
ville
de
StBrieuc.Dans
cette
oeuvre,Paul
le
Goff
s'inspire
des
thèmes
et
des
attitudes
développées
par
Rodin,ainsi
des
esclaves
de
Michel-Ange
conservés
au
Louvre".
Ref:Wikipédia,patrimoine
Ref:Wikipédia,patrimoine
Michel-Ange :Esclave mourant et Esclave
rebelle.Rodin :le penseur.
Si
j'avance
que
le
travail
de
Paul
le
Goff
tient
davantage
de
« l'esclave
rebelle »que
de
Rodin,est-ce
par
l'attitude,le
thème
ou
bien
plutôt
en
raison
de
l'humanité
qui
en
émane
et
partant
de
l'émotion
qu'elle
fait
naître
chez
l'observateur?.L'étudiant
parisien
que
fut
Paul
le
Goff
dut
dessiner
bien
des
fois
les
unes
et
les
autres.
Retour
à Wikipédia:
"Si
le
non
finito,en
tant
que
technique
artistique,apparaît
pour
la
première
fois
chez
Donatello,désireux
de
mettre
en
évidence
l'intensité
spirituelle
et
dramatique
des
scènes
représentées,Michel-Ange
est
incontestablement
le
promoteur
d'une
esthétique
de
l'inachevé..Vassari
invoque
lui-même
l'ébauche
concentrant,plus
sûrement
que
l'oeuvre
achevée,quelque
chose
de
la
fureur
créatrice...il
restait
fasciné
de
l'effet
obtenu
dans
les
statues
incomplètes,têtes
et
membres
à
peine
dégrossis,laissant
le
reste
sommeiller
dans
le
marbre".
Ainsi,bien
avant
la
révolution
rodinienne,une
esthétique
de
l'inachevé
se
dégage
de
l'oeuvre
du
génial
Michel-Ange
que
Rodin
étudiera
du
reste
lors
de
son
séjour
en
Italie.Au
moment
où
Paul
le
Goff
commence
à
s'exprimer
valablement
en
sculpture,Auguste
Rodin
a
déjà
produit
l'essentiel
de
son
oeuvre
gigantesque
et
ses
principes,recommandations
et
autres
observations
esthétiques
apparaissent
incontournables
pour
la
jeune
garde.
"On
reconnaît
souvent
ses
oeuvres
à
une
forme
inachevée
qui
reste
partiellement
prise
dans
un
bloc
plus
rustique
et
partiellement
dégrossi.Le
résultat
toujours
frappant
est
un
équilibre
entre
un
modèle
englué
dans
la
masse
brute
et
un
élan
donné
à
l'oeuvre
qui
semble
ainsi
prête
à
s'en
échapper."
Ref:Wikipédia.
Difficile
de
trouver
mots
plus
appropriés
pour
parler
de
"La
forme
se
dégageant
de
la
matière"
que
ceux
employés
ici
à
propos
de
Rodin.
Cet
homme
sans
visage,sous
quelqu'angle
qu'on
le
regarde,dans
un
effort
titanesque
de
libération,est
la
représentation
allégorique
d'un
temps
dans
l'histoire
de
l'humanité
pour
s'extraire,se
désengluer
de
sa
condition
d’opprimé.Le
symbole
touche
à
des
plans
et
niveaux
d'interprétation
différents.L'Etat
en
l'achetant
pour
le
Jardin
du
Luxembourg
ne
se
trompait
pas
sur
sa
valeur.Sa
restitution
à
StBrieuc
relève
d'une
autre
histoire.
Etudiant
la
philosophie,quelques
années
en
arrière
et
la
tête
farcie
de
la
littérature
de
Nietzsche,j'y
voyais
une
image
du
Surhomme
dans
"ainsi
parlait
Zaratoustra".Ce
n'était
pas
si
mal
au
fond
même
si
je
doute
que
Paul
le
Goff
y
ait
jamais
pensé.L'homme
n'est
pas
un
athlète,encore
moins
un
bodybuilder,même
doté
d’une
musculature
impressionnante,à
la
gréco-latine.Ce
n'est
pas
non
plus
une
sommité
intellectuelle
ou
morale,mais
une
présence
puissante,une
force
dotée
d’une
volonté
à
toute
épreuve,celui
d’après
la « mort
de
Dieu »,qui
se
libérant
et
se
dépassant
sans
cesse,trouve
dans
son
effort
même
le
sens
de
son
existence
et
se
réalise
pleinement
en
toute
lucidité.
A
la
façon
de
« l’esclave
rebelle »
de
Michel-Ange,l’être
humain
ici
représenté,tente
dans
un
effort
pathétique
et
désespéré
de
s’extraire
de
son
bloc
minéral.J’y
verrais,plutôt
que
la
naissance
d’un
Homme
nouveau,
l’expression
étant
sujette
à
caution,l’image
d’une
métamorphose
de
la
condition
humaine.
La
métaphore
est
parlante
en
ce
début
de
vingtième
siècle
marqué
par
l’émergence
de
l'idée
marxiste
et
socialiste,telle
une
injonction
à
s'affranchir,
à
se
libérer
de
l'exploitation
dont
l’individu
est
l'objet.Les
bardes
bretons
éclairés
sont
progressistes
et
beaucoup
se
déclarent
de
gauche.La
Bretagne,grâce
à
l'instruction
publique,aux
progrès
des
techniques
commence
à
se
libérer
de
ses
aliénations
religieuses
et
de
son
archaïsme.L'époque
est
tendue,pleine
de
fureur
contenue,d'esprit
de
revanche
patriotique.Il
suffira
bientôt
du
prétexte
de
l'attentat
de
Sarajevo
pour
voir
les
Etats
d'Europe
se
jeter
les
uns
contre
les
autres
avec
une
violence
irrépressible.Calme
avant
la
tempête.Les
temps
sont
à
la
mobilisation
des
forces
pour
progresser
dans
tous
les
domaines,pour
résister
et
vaincre
l'adversité.Le
témoin
sensible,à
chaque
coup
de
burin
dans
le
marbre,
prend
en
charge
et
exprime
l'esprit
de
son
temps,même
inconsciemment.Son
œuvre
est
un
acte
de
foi
en
l’Homme,plus
exactement
en
l’idée
que
les
idéalistes
se
font
à
cette
époque
d’un
progrès
sans
limites
de
son
intelligence,de
son
inventivité
et
de
sa
morale.Ses
préoccupations
d'artisan
et
son
dessein
d'artiste
étaient
sans
doute
plus
modestes.La
conscience
et
le
temps
font
aussi
leur
oeuvre.
La
statue vers 1930
L'Europe,toujours
en
gestation
douloureuse,requiert
encore
nouveaux
efforts
et
vigilance.L'humanité
de
ce
début
de
vingt
et
unième
siècle,malgré
quelques
soubresauts
prometteurs
du
tiers
monde,quelques
progrès
de
justice
sociale
tarde
à
relever
la
tête.Injustices
et
souffrances
d'un
autre
âge
sont
le
lot
quotidien
de
la
moitié
de
l'humanité.En
ce
sens
aussi
le
message
de
cette
sculpture
inspirée
garde
une
actualité.
------------------------.
Paul
le
Goff,sculpteur,
connaîtra
une
gloire
posthume
et
sera
reconnu
par
ses
pairs,ainsi
qu’en
témoigne
cette
autre
stèle
de
Jean-Charles
le
Bozec
dans
le
parc
des
Promenades,elle
aussi.Une
veuve
en
sabots
portant
capuche
et
la
coiffe
de
Plérin
semble
écrire
le
nom
de
l’artiste
défunt..
-
Le singulier destin des trois frères Le Goff.
-
Journal du 74ème RTI,du 2.8.14 au 30.2.1915.
-----------------------------
A
peine
le
temps
de
finir
son
oeuvre,de
la
présenter
au
concours
de
fin
d'année
des
Beaux-Arts,dit
Chenavart,d’obtenir
le
deuxième
prix
national
et
voilà
notre
sculpteur
mobilisé.Le
sous-lieutenant
de
réserve
Paul
le
Goff
,3I
ans
et
son
frère
Elie,adjudant,
de
deux
ans
son
aîné
rejoignent
le
74ème
RTI(infanterie
territoriale)
en
formation
à
StBrieuc,le
3
août
1914.Dans
la
nuit
des
6
et
7
août
c'est
le
départ,tel
que
relaté
ici
dans
le
"journal
de
marche
du
74ème
RIT".
Extrait
du journal
de marche
du 74è
RIT.Ref :Mémoire
des
hommes.SGA.fr
Mission pour
le 73è
RIT formé
à Guingamp
et Le
74è RIT
formé à
StBrieuc :’’assurer
momenta-nément
la garde
des côtes
du
Cotentin.’’Autrement
dit,attendre de
nouveaux
ordres. Les
régiments
d’infanterie
territoriale
sont composés
de
réservistes.Elie
le Goff
a 34ans,donc
de la
classe 01
et Paul
31 ans
soit la
classe 03.Ils
ont donc
fait leur
service
militaire une
décennie
auparavant.Ils
ne sont
pas
combattants,en
théorie,étant
plutôt
destinés à
des missions
de
garde,d’intendance
ou de
génie selon
les besoins.
En hommes
éduqués et
conscients de
l’état
de tension
militaire dans
ces années
d’avant-guerre,ils
sont
réservistes
par
devoir,officier
pour Paul
et
sous-officiers
pour Elie
et Henri.
In :’’Les Bretons
dans la guerre 14-18’’.Ed :0uest-France.
La
numérisation
et
l'ouverture
en
ligne
par
Internet
des
archives
du
ministère
de
la
défense
permettent
au
chercheur
de
suivre
la
marche
des
unités
militaires
en
guerre.Le
journal
de
marche
du
74ème
RTI
est
complet
depuis
sa
formation
jusqu'à
sa
dissolution,soit
du
2
août
14
au
30
fevrier
1915.Il
est
en
outre
parfaitement
lisible,ce
qui
n'est
pas
toujours
le
cas,loin
s'en
faut.Les
rédacteurs
de
ces
journaux
étaient
aussi
des
combattants
au
besoin
et
la
littérature,en
cas
de
coups
durs,passait
au
second
plan.Ils
peuvent
être
aussi
endommagés
ou
perdus.
-
19 au 22.8.14.LE régiment est dans la région de
Briquébec-Valognes-StMartin d'Andouville.
-
26 au 4.9.14.-Biville-Heauville-Sottevaast.
-
6.9.et 7.9.14.Embarquement pou Le Havre à bord des paquebots New
haven et Malte.
-
Du 11.9. au 4.10.14.Région Le Havre.
- Du 8 au 13.10.14.StOmer.Arques.Cassel.Zuytpenne.
- 13.10.au 20.10.trajet vers Boezenge-Langemark
Installation
terminée le 29.10 dans les ouvrages et tranchées
Discours
du colonel commandant la 173è brigade,pour le moral des
troupes.Remarquable son adresse au courage supposé des Bretons au
combat,leurs valeurs guerrières :’’Français de
Bretagne,vous avez prouvé une fois de plus que vous êtes les dignes
descendants de ceux qui ont immortalisé votre province devant
l’Histoire !..’’En réalité,ils n’ont encore pas vu
grand chose de la guerre.Autre passage remarquable’’Nous venons
pour la sauver(la Belgique)en chassant ces hordes ignobles
d’Allemands’’.
Partis
de
StBrieuc
le
6
août
14,soit
3
jours
après
l’invasion
de
la
Belgique
et
la
déclaration
officielle
de
la
guerre
à
la
France
par
l’Allemagne,5
jours
après
la
mobilisation
générale
en
France
et
en
Allemagne,voilà
nos
valeureux
guingampais
et
briochins
à
pied
d’œuvre,
si
l’on
peut
dire,le
29
octobre(2
mois
et
3
semaines
de
trajet).
Le
74è
va
donc
occuper
les
ouvrages
en
avant
et
au
S-E
de
Langemarck(inclus)..Pc
du
LtColonel
à
l’auberge
de
Hack-Borch,route
de
Pilkem
à
Langemarck. Il
remplace
un
régiment
Anglais
« sous
un
feu
nourri
d’infanterie
et
d’artillerie’’précise
le
rédacteur. Aléa
jacta
est !.
La
course
à
la
mer
des
deux
forces
en
présence
pour
contrôler
les
ports
du
nord
de
la
France
se
termine
provisoirement.La
veille,le
28
octobre,pour
stopper
la
percée
allemande
au
nord
de
Dixmüde,les
Belges
ont
dû
ouvrir
les
écluses
de
l’Yser
à
Nieuport,pour
inonder
les
polders.Incapables
d’avancer,les
Allemands
vont
se
tourner
bientôt
vers
le
saillant
d’Ypres,qui
va
subir
des
tentatives
de
percées
de
toutes
sortes
jusqu’en
octobre
1918.Quelques
300 000
Allemands
laisseront
leurs
vies
dans
cette
« course
à
la
mer »
qu’ils
ne
remporteront
jamais.Un
chiffre
équivalant
du
côté
allié.
1 :PC
du 74èRIT à Pikem entre Langemark et Boezinge.
2 :Lignes
des tranchées et fortifications 73è et 74è .
3 :Lignes
allemandes.
4 :Lignes
de tranchées et défense face aux lignes allemandes sur 750
kilomètres depuis Nieuport jusqu’à la frontière suisse.
Les
régiments
bretons
ont
déjà
payé
un
lourd
tribut
à
cette
guerre,en
Belgique.L’actualité
de
l’époque
résonne
de
noms
sinistres :bataille
de
Maissin
près
de
Dinant
le
22
août
14,bataille
de
Charleroi
et
de
la
Sambre,Auvelais
et
Arsimont
du
20
au
26
août
où
s’illustreront
entre
autres
le
41è
de
Rennes,Le
48è
de
Guingamp,le
71è
de
StBrieuc.Le
calvaire
de
Maissin,la
nécropole
d’Auvelais
portent
témoignage
du
caractère
meurtrier
de
ces
premiers
combats
le
l’année
1914.’’Un
sixième
des
tués
de
la
Grande
Guerre
disparaîtrait
pendant
les
deux
premiers
mois
d’un
conflit
qui
durerait
plus
de
4ans …27 000
pour
la
seule
journée
du
22
août
1914,
la
plus
meurtrière
de
tous
les
temps’’.Jean
Pierre
Guéno.In
Paroles
de
Poilus.Ed :Librio.
Pour
l’heure nos briochins s’adaptent comme ils peuvent à des
conditions de vie rendues de plus en plus difficiles par l’approche
de l’hiver.Le conflit s’enlise.L’ennemi,malgré des tentatives
alliées coûteuses en hommes, reste sur le sol de France.Après la
bataille de l’Aisne du 13 au 21 septembre et de la Somme fin
septembre, la bataille d’Arras du 2 au 10 octobre,la guerre atteint
maintenant les Flandres.Première bataille de l’Yser et d’Ypres
de fin Octobre au 15 novembre.C’est toujours l’indécision.
Les
73è
et
74è
sont
sous
le
feu
ennemi
et
attaqués
dès
leur
arrivée.L’état
des
pertes
du
74è
fait
apparaître
une
suite
de
noms
bien
de
notre
région.
Témoignage
du
14.2.15.In.Paroles
de
poilus.Ed :Librio.
1998.
« Quand
nous
sommes
arrivés
ici
au
mois
de
Novembre,cette
plaine
était
magnifique
avec
ses
champs
à
perte
de
vue,pleins
de
betteraves,parsemés
de
riches
fermes
et
jalonnés
de
meules
de
blé.Maintenant
c’est
le
pays
de
la
mort,tous
ces
champs
sont
bouleversés,piétinés,les
fermes
sont
brûlées
ou
en
ruine
et
une
autre
végétation
est
née :ce
sont
les
petits
monticules
surmontés
d’une
croix
ou
simplement
d’une
bouteille
renversée
dans
laquelle
on
a
placé
les
papiers
de
celui
qui
dort
là. »Michel
Taupiac,brigadier
58ème
régiment.Il
ajoute
à
l’intention
de
son
ami
Justin
Cayrou
des
détails
inimaginables « J’étais
l’autre
jour
dans
les
tranchées(des
joyeux).Je
n’ai
jamais
rien
vu
d’aussi
horrible.Ils
avaient
étayé
leurs
tranchées
avec
des
morts
recouverts
de
terre,mais
avec
la
pluie,la
terre
s’éboule
et
tu
vois
sortir
une
main
ou
un
pied
noirs
et
gonflés.Il
y
avait
même
deux
grandes
bottes
qui
sortaient
dans
la
tranchée,la
pointe
en
l’air,juste
à
hauteur
comme
des
porte-manteaux
et
les
joyeux
y
suspendaient
leurs
musettes
en
rigolant »…
Voilà
quelques
touches
de
l’ambiance
d’humour
noir,mais
aussi
souvent
de
désespoir
absolu
et
de
résignation
de
ces
tranchées
assignées
à
nos
régiments
de
réservistes
bretons.
Ces
images
de
tranchées
et
d’anciens
ouvrages
prises
à
l’époque
donnent
une
idée
de
l’environnement
des
soldats
en
poste
face
à
l’ennemi
perpétuellement
harcelés
ou
canonnés
par
des
Allemands
furieux
de
ne
pas
pouvoir
parvenir
à
leurs
fins.Alphonse,
témoigne
dans
« paroles
de
poilus’’ : « Là
commencent
les
boyaux
de
communication ;ce
sont
de
grands
fossés
de
1
mètre
de
large
et
de
deux
mètres
de
profondeur ;nous
faisons
trois
kilomètres
dans
ces
fossés,après
on
arrive
aux
tranchées
qui
sont
assez
confortables.De
temps
en
temps
on
entend
siffler
les
balles.Nous
sommes
à
deux
cents
mètres
des
boches…Il
ne
faut
pas
se
le
dissimuler,nous
sommes
en
danger
et
on
peut
prévoir
la
catastrophe…’’
L’Histoire
a parlé.Tout commentaire critique aujourd’hui relève du
bavardage.
Et
pourtant !Que faisaient en première ligne deux régiments de
réservistes ?.Les comptes définitifs sont sans appel.
-73è
RTI Guingamp :570 morts.74è RTI StBrieuc :599 morts.
-75èRTI
Rennes :292.76èRTIVitré :202.78è
RTI
St
Malo :215.857RTI
Vannes :109.
86è
RTI
Quimper :106.
88èRTI
Lorient :101…
Qui
mieux
que
de « vieux »
Bretons
pour
relever
de « jeunes »
Anglais
en
effet.Les
Bretons
restent
et
demeurent
les
chouchous
des
généraux.Nous
ne
sommes
pas
les
seuls. « Les
états-majors
français
avaient
dépêché
des
troupes
de
choc
(écrit
Claude
Duneton
dans
son
livre
paru
au
Seuil
sous
le
titre,le
Monument),les
zouaves
du
7ème
régiment,renforcés
par
un
bataillon
du
4ème ;ces
unités
faisaient
la
liaison
entre
l’armée
belge
à
gauche
et
au
nord
et
les
troupes
anglaises
et
canadiennes
à
droite
dans
le
secteur
d’Ypres…Nos
zouaves
enfin,africains
frénétiques
faisaient
merveille
en
ce
printemps
1915,et
pour
ne
pas
faillir
à
leur
réputation
gagnaient
du
terrain
sur
la
rive
droite
du
canal(de
l’Yser).Ils
étaient
parvenus
à
Bikschote
et
un
peu
plus
à
l’est
encore
avaient
atteint
le
22
avril
le
village
de
Langemark
où
ils
établissaient
la
jonction
avec
les
troupes
canadiennes’’.
Les
Bretons
des
73
et
74èRIT
sont
maintenant
sur
les
lieux
depuis
pratiquement
6
mois.A
défaut
de
témoignages
directs,le
livre «
Paroles
de
poilus »Ed
Librio
1998.publie
celui
de
Michel
Taupiac
du
2
mai
1915 : « cet
hiver
ce
n’était
qu’une
mer
de
boue,maintenant
le
printemps
a
fait
pousser
une
végétation
folle
qui
essaye
de
couvrir
d’un
linceul
de
verdure
tous
ces
petits
monticules
qui
forment
comme
les
vagues
des
rives
boueuses
de
l’Yser».
Le
22 avril 1915.
Une
date
à
retenir
par
cœur
au
même
titre
que
732,l’an
800
ou
1515,si
l’exercice
avait
encore
lieu
dans
nos
écoles :celle
de
la
première
utilisation
de
gaz
asphyxiants
au
cours
d’opérations
de
combats,en
fait
comme
arme
tactique
de
guerre
en
contravention
totale
avec
les
conventions
internationales
de
La
Haye,pourtant
signées
par
le
représentant
de
l’Empire
d’Allemagne
en
1899
et
1907.Cette
attaque
fera
près
de
5000
morts
britanniques
et
français.C’est
d’un
bombardement
d’obus
au
chlore
qu’il
s’agit
pour
cet
essai
grandeur
nature,en
représailles
dit-on
du
minage
anglais
sous
les
lignes
allemandes
qui
fera
sauter
toute
une
colline,la
Hill
60
à
Zillebeke.Précédemment
fin
février,ce
furent
des
jets
de
pétrole
enflammés
à
Malancourt
puis
à
Vauquois,causant
des
brûlures
atroces.On
n’arrête
pas
le
progrès !.Quant
à
l’accoutumance
à
l’horreur ?.
« A
la
fin
du
conflit
l’arme
toxique
était
devenue
le
principal
vecteur
de
la
guerre
des
gaz,chaque
nouvel
agent
chimique
surpassant
en
nocivité
le
précédent.A
cours
de
l’été
1917,les
chimistes
allemands
parvinrent
à
mettre
au
point
un
agent
aux
effets
effroyables :le
gaz
dit
‘’moutarde’’
à
cause
de
son
odeur
ou
‘’Ypérite’’
car
utilisé
pour
la
première
fois
dans
la
région
d’Ypres..Au
total,le
nombre
de
victimes
des
gaz-1 297 000-dont
91 000
décédèrent
paraît
modeste…Elément
essentiel
de
la
guerre
d’usure…A
défaut
d’avoir
été
l’arme
de
la
victoire,elle
fut
celle
du
harcèlement
permanent
de
l’ennemi.’’Olivier
Lepick
in
no
21
de
la
Collection
de
l’Histoire.
es soldats allemands ne
perdent pas le nord..La préméditation et la préparation de
l’offensive apparaissent clairement dans leur comportement. Claude
Duneton écrit :’’Croyant à la propagation d’un
brouillard artificiel destiné à couvrir une attaque,les hommes se
tinrent prêts.Quelques uns se précipitèrent au-devant des vapeurs…
Les premiers atteints furent pris de picotements intenses dans le
nez,les yeux et la gorge,qui se transformèrent rapidement en
brûlures insoutenables dans toute la poitrine.Ils
toussaient,suffoquaient et la plupart se roulèrent au sol,se tordant
de douleur avant d’agoniser sur place…Les fantassins allemands
suivaient,en effet la progression de leur nuage,munis pour eux-mêmes
de bandeaux protecteurs sur la bouche,en tirant au fusil à travers
la fumée pour accélérer le massacre ;pour couronner leur
effort meurtrier,leur artillerie arrosait nos lignes arrière’’.
Le 74è et 73è
RITparticipant de la 87ème Tdivision se seront trouvés
exactement sous le nuage toxique ainsi que la 45ème
division algérienne.
Témoignage du général
Mordacq dans son ouvrage ‘’La guerre des tranchées ‘’paru
chez Plon 1939.Il est alors colonel en tournée d’inspection dans
le secteur de Boezenge.Vers 17h20 :’’Il fallut même
descendre de cheval,les chevaux oppressés,incommodés se refusant à
galoper ou à trotter.Nous gagnâmes donc les ponts de Boezenge à
pied.Dès les abords du village,le spectacle était vraiment
tragique.Partout des
fuyards :territoriaux,joyeux,tirailleurs,zouaves,artilleurs sans
armes,hagards la capote enlevée ou largement ouverte,la cravate
arrachée,courant comme des fous,demandant de l’eau à grands
cris,crachant du sang,quelques uns même roulant à terre en faisant
des efforts désespérés pour respirer…Tout le long du canal,même
tableau,sans parler des balles et des projectiles sur les deux
rives,une foule de malheureux affolés était venue demander à l’eau
bienfaisante un peu de soulagement à leurs horribles
souffrances…’’Tout serait à citer de ce témoignage de
première main.Je ne me suis pas fixé comme but de rendre compte de
l’ensemble de cette incroyable tragédie,mais de suivre au plus
près le destin des deux frères Le Goff,déclarés ‘’tués
à l’ennemi ‘’ dans leurs fiches militaires et
qui,présents ici parmi leurs camarades ont disparu de la même
façon.Des soldats belges et anglais voisins du drame,mais non
atteints ou très peu par le fameux nuage jaune et vert ont également
témoigné :’’J’entendis crier autour de moi :une
attaque,les boches sont là….Je regardais dans la direction des
cris,c’étaient des soldats français qui couraient vers nos
tranchées.Plusieurs tombèrent en chemin.A notre caporal qui les
interpellait,j’entendis qu’ils répondaient :nous sommes
empoisonnés’’Un grenadier belge.
MrJohn Buchan,auteur de
la Nelson’s history of the war écrit de son côté :’’On
vit dans ler crépuscule,dévaler un torrent de soldats français
aveuglés,toussant et littéralement affolés,victimes d’une
machination diabolique,ils avaient cédé devant elle bien plus que
devant la terreur humaine’’.
Quelles conclusions pour
un pareil crime ?.Les Allemands ont réalisé la brêche qu’ils
souhaitaient.L’occason de gagner cette guerre à l’ouest est
ainsi crée.Or contre toute attente,l’angoisse formidable des
alliés le lendemain 23,ils ne poursuivent pas leur avantage.Le crime
de guerre s’avère stratégiquement inutile.C’est un crime tout
court !.La route d’Ypres et les ports de la Manche seront
bientôt définitivement fermés grâce aux renforts alliés.Cette
occasion perdue ne se retrouvera plus.
Les responsables d’un
acte aussi odieux seraient poursuivis aujourd’hui pour crime contre
l’humanité leur vie durant A cette époque d’avant la
SDN,d’avant l’ONU d’un droit international embryonnaire toute
sanction contre les Etats voyous était inenvisageable et d’ailleurs
impossible.Le communiqué allemand pour la journée du 22 avril
dit :’’Hier,au nord et au nord est nous avons rompu le front
ennemi.Langemarck et Steenstrat,où nos troupes se sont portées en
avant sur un front s’étendant sur 9 kilomètres au sud et à l’est
de Pilkem.Après un combat acharné elles ont forcé le passage du
canal à Steenstraat et à Het-Sas et se sont établies sur la rive
ouest’’Il n’est fait aucune mention des gaz asphyxiants et ne
le feront jamais quand plus tard ils les utiliseront à
nouveau.CQFD.La parade sera alors trouvée par les alliés et les
soldats seront dotés de masques protecteurs.Ce 22.4.1915,ceux qui se
sont trouvés dans ces parages ont été’’ faits comme des
rats’’selon la formule.
‘’La guerre est une
chose trop grave pour être confiée à des militaires’’ disait
Georges Clémenceau en 1917.Peut-être avait-il en tête un peu de
cet « épisode ».
‘’Des centaines d’hommes moururent en première ligne.D’autres s’enfuirent paniqués.En quelques heures un trou de huit kilomètres sur 4 avait été opéré au travers des lignes alliées.Une force de défense internationale regroupant Belges,Français,Britanniques,Irlandais,Canadiens,Indiens et Nord-Africains s’opposa dans le mois suivant à la rupture du front.’’Ministère de la Défense.
Nous retrouvons dans le journal du 74ème à la date du 30 avril 1915, dans le tableau des pertes du 22 au 28 avril,le nom de notre sculpteur Paul le Goff,sous-lieutenant et un peu plus loin celui de son frère aîné Elie,adjudant parmi ceux de tant d’autres compatriotes bretons.
‘’Des centaines d’hommes moururent en première ligne.D’autres s’enfuirent paniqués.En quelques heures un trou de huit kilomètres sur 4 avait été opéré au travers des lignes alliées.Une force de défense internationale regroupant Belges,Français,Britanniques,Irlandais,Canadiens,Indiens et Nord-Africains s’opposa dans le mois suivant à la rupture du front.’’Ministère de la Défense.
Nous retrouvons dans le journal du 74ème à la date du 30 avril 1915, dans le tableau des pertes du 22 au 28 avril,le nom de notre sculpteur Paul le Goff,sous-lieutenant et un peu plus loin celui de son frère aîné Elie,adjudant parmi ceux de tant d’autres compatriotes bretons.
Le JMO conclut :’’En
vertu des ordres reçus de la 87ème brigade,le troisième
bataillon du 74 ème RITj est supprimé en raison des pertes qu’il
a subies.Les hommes et les cadres qui restent sont répartis dans le
1er et 2ème bataillon.’’Sic…
Michel Taupiac écrit à
un ami 10 jours après l’attaque au gaz :’’ Tu as sans
doute entendu parler de cette attaque furieuse du côté d’Ypres,où
tous les moyens de destruction ont été employés par ces
bandits.Pauvre pays,qu’en restera-t-il ?.Ruiné déjà par les
sanglants combats de novembre dernier.De ces villages,de ces belles
fermes qui émaillaient comme à plaisir cette riche plaine des
Flandres tout n’est que ruine et incendie,qu’un immense
charnier,digne trophée de cette guerre affreuse…L’avenir me
paraît bien noir…Je ne ferai rien pour disparaître,je n’ai pas
le sang d’un héros…Je suis un de ces millions d’anonymes qui
forment l’instrument pour forger une page sanglante de notre
histoire.Cette époque sera bâtie avec beaucoup d’héroïsme,de
tristesse et de lâcheté…’’Il faut être un vrai témoin, pour
écrire des mots semblables.Le moral du combattant n’a pas fini
d’être mis à l’épreuve en ce printemps 1915.Pierre Chaine
affirmera en 1917 au moment de l’offensive Nivelle du Chemin des
dames que’’le quotidien du soldat ne fut une fois de plus qu’un
long tête à tête avec la mort’’..Victor Guillermin écrit dans
ses carnets de guerre que’’le fantassin n’en reste pas moins le
suicidé par persuasion’’.
Mais deux ans d’une
guerre interminable auront passé et l’état d’esprit du soldat
de base aura changé.Ce seront ,peu après, les premières mutineries
et les premiers fusillés pour l’exemple que les responsables
politiques de notre époque commencent seulement à réhabiliter.
La date du 22.4.1915 est
récurrente sur les monuments aux morts bretons et spécialement des
Côtes du Nord.La différence du nombre des morts avec les autres
régiments territoriaux s’explique évidemment par cette attaque au
gaz parfaitement inattendue et d’une cruauté insoutenable.
Elie Jean Marie le
Goff.Naissance ;le 12.4.1881.Le frère aîné issu de Elie
jean-marie(père) et de Marie-Louise Corlay.Père :23 ans
sculpteur et mère :24 ans tailleuse.Le couple réside au 35 rue
neuve de Gouët.Je pense qu’il s’agit de l’actuelle rue des
Trois frères le Goff.
On apprend en marge de
son acte de naissance qu’Elie a contracté mariage avec Eugénie
Yvonne Philippe le 18.7.1910.Je n’en sais pas davantage pour
l’instant sur une éventuelle descendance..
Je constate que Paul ne
naît pas à la même adressse que son frère aîné sans pouvoir en
expliquer la raison.
Deux autres briochins devaient accompagner Elie et Paul Le Goff dans la mort en ce jour fatidique:François Marie Budet et Joseph Marie Vieuxloup.
Deux autres briochins devaient accompagner Elie et Paul Le Goff dans la mort en ce jour fatidique:François Marie Budet et Joseph Marie Vieuxloup.
François Budet avait
donc 39 ans et Joseph Vieuxloup 38.Si le qualificatif de ‘’Joyeux
‘’était les surnom que l’on donnait aux zouaves ou aux
légionnaires, les jeunes des régiments de ligne appelaient les
territoriaux les ‘’terribles’’ plus par dérision que par la
terreur qu’ils inspiraient à l’ennemi.Ces réservistes rappelés
d’office qui en avaient vu d’autres jouaient les dilettantes pour
donner le change et soutenir le moral des plus jeunes.
Monument en hommage aux
victimes des gaz asphyxiants prèsde Steenstraat.Image Google Earth.
Il y est écrit :’’Le
22 avril 1915 les troupes de la 45ème division et de la
87ème division territoriale furent empoisonnées par la
première nappe de gaz.Depuis il meurt encore,chaque jour,dans la
paix,des victimes de ces procédés de guerre abominables’’.
...............................................................................
L’Art supplée à la
photo quand la réalité dépasse l’entendement.L’Art
ici,s’agissant de statuaires de talent ,voire de génie s’impose
d’office.D’autres noms de jeunes artistes et écrivains me
viennent à l’esprit,qui ne pourront donner leur pleine
mesure :Charles Péguy,Alain Fournier,Appolinaire et tant
d’autres.Le poète en langue bretonne Jean Pierre Calloc’h de
l’île de Groix tué le 10.4.1917 près de StQuentin ne dépare pas
le lot des martyrs de cette guerre cruelle.Mais n’est-ce pas là un
pléonasme ?.
Ar maro war an
or ‘n stoked La mort a frappé à la porte
A deit é barhz Elle est entrée ;
Hon eurvad zo ed
kuit ‘n un ar Notre bonheur est parti dans un
cercueil..
Hag ennon e
ganné eur varz. Et en moi un barde naquit.
Ar maro war en
or ‘n stoked La mort a frappé à la porte
Na
ouélinn ket !. Je ne
pleurerai pas!.
L’affaire aura-t-elle
servi de leçon ?Le recrutement régional cesse à partir de
1915,en même temps que le port du pantalon rouge garance du
bidasse. « Début 1915,en raison des pertes subies le haut
commandement est amené à ‘’boucher les trous’’par un
brassage d’hommes venus de tout l’hexagone …le pourcentage
des bretons au sein des unités étant généralement très inférieur
à 40% »Roger Laouénan.
« A
Boezenghe,tombèrent beaucoup de bretons,ce qui fut à
l’origine,après la guerre d’un pèlerinage depuis StBrieuc.Alors
que depuis 1923 beaucoup de tombes françaises étaient déplacées,les
Bretons décidèrent d’éléver leur propre monument.Ce fut
l’origine de l’authentique calvaire breton du Carrefour des
roses ».In wikipédia.A voir en bordure de la route Boezenghe
Langemark.
l’intention des
bretonnants du 73èmeRIT,comme aux visiteurs généreux qui de temps
en temps nettoient les plaques du souvenir.
« Ar c’hentan
argad Alaman gant aezhennou mougus zo bet kaset war-raok d’an 22 a
viz ebrel 1915,d’a 5 eur d’abardaeza enep da soudarded ar 87 vet
DIT hag 45 DI war dalbenn ar brezel Steenstrate-langemark-st
julian. »
Trad : « La
87ème DIT et la 45è DI française ont subi le 22 avril
1915 à 5 heures de l’après midi la première attaque allemande
aux gaz asphyxiants sur le front Steenstrate-Langemark-St
Julien ».
L’autre texte en
Flamand ne dit rien d’autre.
Henri le
Goff,le cadet.
La guerre,contrairement
aux prévisions,aux illusions des débuts,continue.Pire,elle est
devenue mondiale.1915 voit les débuts de la guerre de positions(les
tranchées).Les tentatives de percée des Allemands vont se
succéder(Champagne,Artois..)1916 est marqué par l’offensive
Allemande sur Verdun(Douaumont,le Mort-Homme,le Fort de Vaux..).La
bataille de la Somme commence le 1er juillet avec
l’offensive Anglaise.1 000 000 de morts pour Verdun et
1 000 000 pour la Somme.Avril 17 :entrée en guerre
des Etats-Unis,offensive du Chemin des dames.La guerre de 14-18 fera
un total de 19 millions de morts.
Henri,de 8 et 6 ans ,le
cadet d’Elie et Paul,est revenu de New-York où il a suivi les
cours d’une école de sculpture.Rappelé ,malgré la mort de ses
frères,tant le besoin en combattants est grand sur l’ensemble du
front,on le retrouve sergent au 71ème RI formé à
stBrieuc à la date de sa mort,soit le 9.2.1918 à l’âge de 30 ans
et demi.Sa fiche militaire le signale mort « des suites
de ses blessures » à l’ambulance du Petit Monthairons dans
la Meuse.Le secteur de Verdun,après les formidables tueries de 1916
est pourtant calme en ce début de 1918, avant la dernière grande
offensive allemande,début juillet, dite deuxième bataille de la
Marne dont l’échec obligera bientôt l’Allemagne exsangue à
demander l’Armistice.Henri aura raté de peu « le
onzième jour du onzième mois de la onzième heure ».
Le JMO du 71èmeRI
signale ‘’seulement’’ 2blessés dans la journée du 7
février.Henri le Goff meurt le 9.on peut raisonnablement penser
qu’il faisait partie du duo.
Henri donc trouve la mort
non loin des Eparges,là où Maurice Genevoix et sa compagnie se
sont défendus en 1915 contre l’attaque d’Ernst Junger,autre
écrivain Allemand d’importance,non loin aussi de l’endroit où
l’on a récemment découvert les corps d’Alain Fournier,l’auteur
du Grand Meaulnes et vingt de ses compagnons.
Le château du « petit
Monthairons »,aujourd’hui hôtel de luxe pour personnes
aisées faisait office,du rant la guerre de 14-18,
d’hôpital-infirmerie–ambulance jusque dans les combles.La
proximité des boucles de la Meuse en fait un endroit bucolique et
reposant.Difficile d’imaginer toute cette région à feu et à
sang,il y a un siècle.Et pourtant !.
Les honneurs divers et
variés n’auront pas manqué à leur mémoire.La rue où leur père
Elie avait installé son atelier de statuaire leur a été
dédiée.Ancienne rue du Légué elle était,à leur époque, l’axe
principal de dégagement de StBrieuc vers le port et les routes de
l’ouest :Plérin,Guingamp etc…
Il leur survivra quinze
ans et consacrera à ses trois fils une stèle remarquable que l’on
peut découvrir dans le bas de l’allée centrale du cimetière
StMichel.
« La gloire est le soleil des
morts » Honoré de Balzac.
Le médaillon donne à
voir trois moustachus(poilus) en tenue militaire,l’aîné entourant
les plus jeunes de ses bras protecteurs,les regards scrutant
l’horizon.
La partie basse en granit
représente un enterrement en Bretagne.Conçue par Paul qui en avait
fait une première ébauche en plâtre,elle exprime bien l’esprit
breton,fait de résignation devant les injustices du
sort,d’initiation précoce à la fatalité et la présence de la
mort,d’intimité avec elle. « Je ne connais pas de
peuple pour qui la mort soit plus familière» écrivait Anatole le
Braz auteur de « la légende de la mort ».
Un peu
de généalogie.
La présence de la
famille Le Goff à StBrieuc est attestée depuis le milieu de 19ème
siècle.Elie Le Goff père ,premier sculpteur de la famille naît de
Henry Marie Le Goff exerçant le métier de menuisier à StBrieuc et
de Marie Yvonne Gaffric ménagère née en 1833.
L’autre acte de
naissance concerne Bernadette Le Goff,née en 1892,la jeune sœur
d’Elie,Paul et Henri.Pour un peu on l’oublierait tant elle paraît
discrète à côté de ses frères glorieux.Une discrétion d’autant
plus grande qu’elle se mariera à Nicolas Wenandy le 12 octobre
1920 et s’appellera donc,tout logiquement, du nom de son mari et de
ses enfants.
Je laisse à penser les
épreuves douloureuses vécues par cette famille à l’annonce de
ces morts successives.Leur mère Marie-Louise Corlay disparaît en
1921,soit trois ans après Henri à l’âge de soixante trois
ans.Bernadette née en 1892 meurt le 17 mai 1975 à l’âge de 83
ans.
Mon regret au terme de
cette étude est de n’avoir pas recueilli son témoignage,voire
aussi d’autres documents précieux(photos,lettres etc..)toujours
possibles dont je n’ai pas connaissance.De savoir d’autres
familles dans le même cas console-t-il vraiment ?.L’ouvrage
consacré aux Bretons de la guerre de 14-18,Ed :Ouest-France
fait état des neuf frères Ruellan dont trois seulement
survivront.Roger Laouénan écrit de son côté pour expliquer
le lourd tribut payé par la Bretagne : « Les
familles de 5,6,7 enfants sont courantes.De ce fait plusieurs frères
peuvent être mobilisés à des dates rapprochées.Comment s’étonner
que la même famille déplore le décès de deux,trois et même plus
de ses enfants.Pour le seule Bretagne,près de la moitié des
paysans,chair à canon idéale ne reviendra pas ».
Quelques documents
annexes.
Elie le Goff père,outre
l’amour de la sculpture qu’il aura su inculquer à ses fils et la
stèle qu’il leur consacrera,aura également signer des
statues,édifices et monuments aux morts de belle facture,à StBrieuc
mais aussi en divers endroits de Bretagne.Statuaire talentueux et
original dans le travail du marbre et du granit.
« L’idée de
construire des monuments aux morts est née pendant la guerre
elle-même » écrit Mme Annette Becker dans la collection de
l’Histoire n°II.I2.203. « Les listes affichées dans
les mairies ne pouvaient suffire.La France a refusé les
commémorations telles que bourses d’études,stades,salles de
réunions communales très répandues dans les autres pays…Le
rappel des morts devait être matérialisé par une statue placée au
cœur de l’espace public..Après 1918,ils ornèrent quasiment
chaque commune,soit 36 000 environ. »
En conclusion.
Retour à mon à mon point
de départ,c'est-à-dire, « La forme se dégageant de la
matière »ce titre de portée philosophique que Paul le Goff
donne à sa sculpture.On reconnaît l’œuvre de valeur en ce
qu’elle nous interpelle,au-delà de la forme et de l’émotion
esthétique nous obligeant à un questionnement sur nous-mêmes et le
mystère de l’Homme.Si mon enquête au sujet de son auteur
m’apporte,en m’obligeant à cette plongée dans l’un des pires
endroits et des pires moments de la Grande Guerre,beaucoup
d’éclairages nouveaux,l’énigme que je traduisais dans mon poème
de 1979 n’est en rien résolue. « Il se peut qu’au
sortir du malheur de la Terre
Forme d’homme ne soit notre image attendue ».
L’artiste penseur de
1914 ne doutait pas davantage d’un avenir meilleur,que d’une
victoire rapide sur l’Allemagne.Certes,il fallait se préparer à
la guerre et la faire ,risquer la mort sûrement mais l’horizon
radieux de l’humanité était dans sa tête autant que son
dessin.Comment ces esprits chevaleresques pouvaient-ils se douter des
incroyables tueries d’une guerre portée à l’échelle
industrielle et bientôt suivie d’une seconde guerre mondiale
encore plus dévastatrice et meurtrière.La notion d’Homme était
singulièrement remise en question après tant de barbarie et surtout
de l’avènement dans la conscience d’interrogations
nouvelles:l’holocauste,Hiroshima,aujourd’hui Fukuschima,l’arme
nucléaire,l’effet de serre etc…L’Homme se referait,l’humanité
sortirait de sa pierre,soit mais à un siècle de distance désormais
la portée de la prémonition du sculpteur penseur est moins évidente
pour nos contemporains.Août 1914,était moins la naissance d’un
monde que le suicide de l’Europe,mais qui pouvait entendre un tel
langage à l’époque ?.Pour Paul le Goff ,sa sculpture
magnifique aura été le « chant du cygne »,ce chant
qui,à la fois,nous trouble et nous rassure.
.......................................................
Derniers documents.
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A St Brieuc. Le 20 novembre 2
OI3.
Jean Taillabresse.
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Ouvrages consultés :
- Le monument.Claude Duneton.Ed Balland
- Paroles de poilus. Ed : Librio.
- La guerre des tranchées. Général Mordacq. Ed Plon
- Les Bretons dans la grande guerre :Roger Laouénan . Ed Coop Breizh.
Sites internet.
- Mémoire des hommes.gouv.fr.Extraits des JMO.
- La 87ème Division territoriale.fr.Emprunt Photos.
- Google Earth.Belgique. Emprunt Photos.
- Histoire de St Brieuc.fr.Emprunt photos.
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